Décès d’un conjoint marié : ce qu’il faut savoir !

13 Juillet 2023
Par Me Joëlle Tremblay, notaire

Le décès, au même titre que le divorce, dissout l’union qui unissait deux personnes mariées. Eh oui, le décès est également un motif de dissolution du mariage ! Plusieurs conséquences peuvent découler du décès d’un conjoint marié et le testament peut être un outil fort important afin de planifier la dissolution de cette union. Dans un tel cadre de dissolution, la présence d’un contrat de mariage ou non viendra également « changer la donne » dans les calculs entourant le partage des biens des époux. Voyons ensemble comment cette dissolution se concrétisera pour le conjoint survivant.

Présence ou non d’un contrat de mariage ?  

Au Québec, peu importe le régime matrimonial choisi par des conjoints mariés, il y aura toujours deux composantes qui s’appliqueront à ces derniers à la dissolution de leur union, soit le patrimoine familial et ensuite le régime matrimonial. Ainsi, avant tout, lors du décès d’un défunt marié, il est important de vérifier si les époux avaient conclu un contrat de mariage devant un notaire. En effet, le régime matrimonial sera établi dans le contrat de mariage ou par la loi, si les conjoints n’ont pas signé de contrat de mariage.

Si un contrat de mariage a été signé, il établira le régime matrimonial des époux et le partage des biens se fera selon ce choix de régime. Si les époux n’ont pas signé de contrat de mariage, le partage des biens se fera selon le régime légal. Le régime qui s’appliquera sera normalement celui du lieu du domicile des époux au moment de leur union.

Patrimoine familial et régimes matrimoniaux

Le patrimoine familial est une mesure d’ordre public et tous les couples mariés ne peuvent s’en dissocier. C’est le régime primaire, et ses règles doivent être respectées, avant même de parler du régime matrimonial du couple.

Suivant le Code civil du QuébecLe patrimoine familial est constitué des biens suivants dont l’un ou l’autre des époux est propriétaire : les résidences de la famille ou les droits qui en confèrent l’usage, les meubles qui les garnissent ou les ornent et qui servent à l’usage du ménage, les véhicules automobiles utilisés pour les déplacements de la famille et les droits accumulés durant le mariage au titre d’un régime de retraite.”

Les autres biens des époux non inclus dans le patrimoine familial seront traités suivant le régime matrimonial des époux et au Québec, nous retrouvons principalement deux régimes matrimoniaux, soit la séparation de biens et la société d’acquêts, bien que d’autres régimes puissent aussi s’appliquer, par exemple la communauté de biens ou un régime matrimonial étranger.

Pour être mariés en séparation de biens, les conjoints doivent avoir signé un contrat de mariage devant un notaire. Suivant le régime de la séparation de biens, il n’y a aucun partage de biens, chaque époux conserve ses propres biens. Il faut alors seulement procéder au partage de la valeur des biens composant le patrimoine familial.

Si aucun contrat de mariage n’est signé par les époux, le régime matrimonial sera la société d’acquêts, en principe. Dans ce cas, il faudra faire deux partages, soit celui de la valeur des biens inclus dans le patrimoine familial et celui de la valeur des biens inclus dans la société d’acquêts, laquelle consiste aux biens non inclus dans le patrimoine familial.

Dans le cas du décès d’un conjoint marié, vous l’aurez deviné, c’est le conjoint survivant et la succession du conjoint décédé qui devront procéder à ce(s) partage(s). Ce(s) partage(s) permettra(ont) de déterminer lequel du conjoint survivant ou de la succession devra verser une somme à l’autre pour rétablir le déséquilibre monétaire entre les deux.

Succession testamentaire VS succession ab intestat

Il faut faire la différence entre une succession testamentaire, soit une personne qui décède avec un testament, et une succession ab intestat, soit une personne qui décède sans testament. Au Canada, plus de 50 % de la population n’a pas signé de testament. 50 %, c’est énorme ! Mais quel est l’avantage de faire un testament si nous sommes mariés ? Contrairement aux croyances populaires, au Québec, même si une personne est mariée, son conjoint n’héritera pas seul si aucune disposition testamentaire ne prévoit ce scénario. Dépendamment de la situation familiale du défunt, le conjoint marié héritera avec les enfants du défunt ou à défaut d’enfants, avec les parents et frères et sœurs du défunt.

Pour éviter que votre conjoint n’hérite pas seul, il est possible de prévoir dans votre testament que votre conjoint sera l'unique héritier de votre succession. De cette façon, votre conjoint héritera seul de vos biens et ne devra pas payer une somme à votre succession pour le partage du patrimoine familial et du régime matrimonial, sauf quelques exceptions, notamment si la succession est insolvable. Dans ce dernier cas malheureux, il se pourrait que l’époux survivant se voit contraint de payer une somme à la succession suite au partage de la valeur des biens du patrimoine familial et du régime matrimonial, puisque les créanciers du défunt sont en droit de recevoir ces sommes qui serviront au paiement des dettes de celui-ci.

Nous en profitons pour faire un petit rappel important sur les conjoints de fait : en l’absence de dispositions testamentaires désignant le conjoint de fait comme héritier, ce dernier ne sera pas héritier de votre succession, même si vous êtes ensemble depuis des dizaines d’années. 

Nous ne le répéterons jamais assez que le testament est le seul outil qui vous assure du choix de vos héritiers !

Régime enregistré d'épargne-retraite (ci-après “REER”) VS legs à un conjoint

L'un des avantages de léguer son REER à son conjoint est qu’il sera possible de reporter l’impact fiscal lié à ce legs à un moment ultérieur. Normalement, l’entièreté des REER d’un défunt doit être imposée suivant son taux d’imposition à la date de son décès. Lorsque la personne qui reçoit les REER du défunt se qualifie de conjoint au sens fiscal, il est possible de se prévaloir d’un avantage fiscal suivant lequel cette imposition sera reportée à des moments ultérieurs, comme au décaissement des REER par le conjoint survivant ou à son propre décès.

Pour se prévaloir d’un tel transfert, il peut être exigé de produire certains documents dans un délai spécifique. Malgré qu’un conjoint de fait peut se qualifier pour un tel transfert, certaines exigences devront être respectées. Pour de plus amples renseignements, il est fortement conseillé de consulter son fiscaliste pour connaître toutes les composantes et exigences afin que ce transfert puisse avoir lieu avec le moins d’impact fiscal.

Obligation alimentaire

L’article 684 du Code civil du Québec prévoit que le conjoint survivant d’un défunt marié, créancier d’aliments (par exemple, qui reçoit une pension alimentaire), peut réclamer une obligation alimentaire à la succession de ce défunt. C’est la loi qui prévoit comment sera calculée cette somme et comment elle sera payée. Encore une fois, il faut faire preuve d’une grande vigilance puisque la réclamation au liquidateur de la succession pour obtenir cette somme doit être faite dans les 6 mois du décès du conjoint.

Conclusion

Comme vous pouvez le constater, ce n’est pas parce que vous êtes marié que votre liquidation de succession sera plus simple. Notre plus grande recommandation : consultez un notaire avant de faire votre testament. Le notaire vous conseillera adéquatement sur la façon de léguer vos biens avec le moins d’impact négatif possible.

Venez à notre rencontre, nos notaires connaissent bien le domaine des successions, ils pourront vous conseiller avant ou après un décès : info@beauchampgilbert.com